Comme je suis fière d'être tourangelle ! Nous sommes l'égérie des médias en ce moment, notre paisible agglomération est envahi des camions de TF1, France télévision et toute la clique. Quel succès, quel succès ! Bien sûr, l'insécurité, les banlieues peu sûres, nous ici, on connaît pas ! Par contre, la fille qui laisse ses bébés entre les findus et les glaces mars dans le congelo, même expat', elle est originaire de Tours !
Moi c'est un peu ma fierté tous ces psychopathes ambulants tourangeaux. A Dijon ils ont la moutarde, nous, on la version terrain de mes cours de psychopathologie cognitive ! Comme ce type qui se dit un bon matin : "Tiens, jm'en vas fusiller d'la peuplade rue Nationale histoire de faire la une des journaux !". Ce sont nos fiertés tous ces gens.
Je dois dire que je suis le procès de Véronique Courjault de relativement près il est vrai. Une proximité géographique non négligeable d'abord, quand je sors de la fac pour aller au Mac Do, il y a forcément un moment où je suis à moins de 50m du palais de justice (rire rire rire).
Il y a aussi une proximité affective. J'avais assisté il y a peut-être six mois maintenant à un documentaire tout à fait intéressant (tant qu'à faire) sur les dénis de grossesse qui m'avait touché, intrigué, marqué, ébahi, attisé ma curiosité. Le dénis de grossesse bien sûr, je connaissais la théorie, on a du voir ça quelque part entre Winicott et Vigotski (dont je ne sais jamais comment s'écrit son nom). Mais entre savoir et voir, il y a un pas de géant. Et il y avait cette fille qui était mince comme un criterium et du jour où elle apprend qu'elle est enceinte ben paf ! Son ventre s'est arrondi en quelques heures seulement pour donner toute sa place au bébé !
En fait sa ceinture abdominale retenait le bébé férocement puisque son corps et son esprit tout entier rejetaient la grossesse. De la seconde où elle l'a su, cette rétention n'a plus eu de lieu d'être, l'esprit se savait enceinte, le corps découvrait la grossesse à son tour ! C'était impressionnant. Mais il n'y a pas que cela, il y a tout le chamboulement psychologique derrière, ces femmes étaient détruites de n'avoir pas su qu'elles étaient enceintes. Elles sont devenues mères sans aucune préparation, certaines rejetaient clairement le bébé (imaginez-vous accoucher dans deux jours par exemple... Je ne suis pas sûre que vous n'essaiyez pas à votre tour de jeter le bébé par le trou des toilettes comme un poisson dont on se débarasse ! (ce qu'il ne faut surtout pas faire, pauvre poisson !)).
Et puis la solitude derrière : rejetées de leur famille qui ne comprend pas ; certains psys eux-mêmes (et on parle de psys là, collègues psycho, à vos manuels : l'empathie et l'ouverture d'esprit sont dans le code de déontologie !) réfutent la notion de dénis de grossesse ! Non mais c'est la foire à Troufougnou ce sujet ! A l'heure où les diagnostics de schizophrénie se distribuent comme les petits pains à la cantine, on refuse encore d'accepter qu'une femme puisse en toute sincérité ne pas avoir su qu'elle était enceinte.
Alors oui, dans un moment de désespoir, dans un moment de mal-être atroce, dans un moment d'égarement, Véronique Courjault a pu congeler son premier bébé, je le conçois pire, je crois que je le comprends. Et puis pour les autres, ça n'a été qu'une répétition du traumatisme initial, encore et encore, et le même coping, le schéma de l'horreur qui se répète.
Doit-on honnêtement condamner cette femme-là... heu... On a d'abord voulu nous la faire passer pour une meurtrière de sang-froid, et aujourd'hui, on la fait passer pour une victime. Il faut arrêter, bien sûr qu'elle était consciente de ses actes ! De là à dire qu'elle s'est réveillée un matin en se disant "ben tiens, je vais mettre un bébé au congelo, ça nous évitera d'acheter une dinde pour Noël !" non plus ! C'est surtout quelqu'un qui s'est trouvé en pleine détresse psychologique et qui n'a pas trouvé de bras tendus au moment où elle en avait besoin...
Alors ça serait bien d'arrêter de garder son petit tas de merde dans les yeux et de donner enfin toute sa légitimité au syndrôme du dénis de grossesse ! Voilà.
Du reste, je laisse la justice statuer, mais à mon avis, si elle mérite la prison, c'est uniquement pour que la justice ne perde pas la face ; ce dont elle a besoin, c'est surtout d'un bon suivi psychologique.
Et pardon si j'en choque quelques uns. Tous vos avis sont les bienvenus.
Jeudi 18 juin 2009 à 18:25